STRAND (P.)

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STRAND PAUL (1890-1976)

Les multiples activités de Paul Strand et les thèmes très divers de son œuvre pourraient faire de lui un «touche-à-tout» de l’image photographique.

Né à New York en 1890, il s’adonne à la photographie dès son adolescence. Étudiant sous la férule de Lewis Hine, le grand photographe social du début du siècle, il est également l’ami d’Alfred Stieglitz, photographe, éditeur de la revue Camera Work et responsable de la galerie «291» qui expose dès l’avant-guerre Braque, Picasso, Brancusi ainsi que de jeunes photographes. Stieglitz publiera dans Camera Work des photographies de Strand, en particulier dans le dernier numéro de la revue paru en juin 1917. Les recherches qu’effectuera Strand durant sa jeunesse seront marquées par cette double influence: puissance du message social (vie de la rue, passants qu’il portraiture à leur insu) et fascination pour l’abstraction et le graphisme (architecture, études de machines et d’objets). Son expérience de technicien de radiographie, acquise sous les drapeaux pendant la Première Guerre mondiale, ajoute encore à sa passion pour toutes les applications de la photographie. S’ouvre ensuite pour Strand une longue parenthèse cinématographique dans le documentaire lyrique, le reportage de sport, la fiction sociale pour des instances gouvernementales: Manhatta (1921), The Plow that Broke the Plains (1935), Native Land (1942). Le cinéma est pour Strand une passion autant qu’une source de revenus. Il n’abandonne cependant pas la photographie avec laquelle il poursuit des recherches sur le paysage, la représentation végétale, le portrait. Après la guerre, la notoriété venue, Strand commence une longue série de voyages marqués à chaque fois par la publication d’un livre ou d’un portfolio: Tchécoslovaquie, France (1950), Italie (1952), Nouvelles-Hébrides (1954), Égypte (1959), Roumanie (1960), Ghana (1963), jusqu’à ce que l’âge et la maladie le contraignent à ralentir son activité. Ainsi, photographe passionné par le mouvement, cinéaste social très soucieux de la qualité plastique de ses images, fasciné par l’abstraction comme par la nature, artiste très intéressé par les applications utilitaires de la photographie, Européen autant qu’Américain — depuis 1951 il ne séjourne plus que rarement aux États-Unis —, portraitiste des passants comme des écrivains et des peintres, l’itinéraire de Strand et son œuvre pourraient aisément paraître disparates, s’ils n’étaient sous-tendus par une sorte d’apprentissage du regard qui leur donne à tous deux une pleine cohérence.

Apprendre à voir, c’est en cette formule sans doute que pourrait se résumer l’effort constant de Paul Strand. Elle ne serait pas originale — du moins pour un photographe — si elle n’était aussi délibérément positive, unanimiste, soucieuse d’englober tous les règnes naturels et les structures sociales, comme s’il y avait une harmonie du monde que l’artiste doit rendre sensible. La première particularité de Strand est sa conviction que la photographie n’est qu’un moyen parmi d’autres de mettre au jour cette harmonie: toute sa vie, il aura soin de resituer la photographie par rapport à la peinture, à la sculpture, à la recherche scientifique, à la littérature. Il ne manque jamais par exemple pour accompagner ses images de faire appel à un écrivain, à un poète, comme pour proposer plusieurs voies d’exploration de la réalité. La seconde particularité de Strand tient à un parti pris de discrétion — un peu trop accentué sans doute: il est à la recherche de représentations minimalistes qui condenseraient les significations les plus riches. Dans ses voyages, il délaisse les grands sites ou les monuments célèbres pour ne retenir que des boutiques, des visages, des outils, des fragments d’architecture, plus aptes selon lui à montrer l’essence de chaque pays comme les grandes lois universelles. C’est ainsi que, de la France sur laquelle il publie en 1952 un livre avec Claude Roy (La France de profil , éd. Clairefontaine, Lausanne), il donne une vision familière, intime, fort éloignée de celle qu’on pourrait attendre d’un photographe étranger. Cette connaissance de profil, ou pour mieux dire de biais, devenue pour Strand l’enjeu d’une ascèse atteindra sa pleine maturité à l’âge de la retraite. Il est symbolique — et émouvant — que les deux derniers livres de Strand, publiés en 1976, l’année de sa mort, soient entièrement consacrés au jardin de sa maison d’Orgeval, près de Paris, où il s’était retiré: ce que Strand a cherché si longtemps sur toutes les routes du monde, il a fini par le voir au seuil même de sa maison.

«L’objectivité est la pure essence de la photographie, c’est sa plus grande contribution et en même temps sa limite», écrivait-il dès 1917. L’œuvre de Strand, un peu aride, d’une impersonnalité voulue, et sa quête de l’harmonie du monde sont sans doute un peu éloignées des photographes des dernières décennies du XXe siècle, plus soucieux de graphisme et d’expression. Elle n’en reste pas moins, comme celle d’Ansel Adams, une œuvre de référence.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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